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Portrait | Peter De Schepper, Le Pic Vert à Heyd

Lorsque l'économie rurale prend tout son sens !

Le Pic Vert à Heyd | Peter De Scheper et Christina Oates

 

Peter De Schepper et Christina Oates se sont installés à Heyd en 2003. Amoureux de la région et attentifs à l’impact de l’homme sur son environnement, c’est tout naturellement qu’ils se sont tournés vers cette activité de fauchage. Située entre la sauvegarde du patrimoine et la transmission d’un geste culturel, la faux est un objet fascinant. Elle respecte son environnement et se trouve bien souvent plus efficace que certains engins motorisés. Sa seule difficulté, c’est qu’une bonne faux nécessite un apprentissage très précis, par un formateur aguerri. Et si l’objectif de Peter n’était pas d’en vivre totalement sur un plan économique, il doit bien reconnaitre aujourd’hui que le succès est au rendez-vous.

Autodidacte et menuisier de formation, Peter s’est très tôt intéressé aux outils manuels et aux technologies simples. Alors qu’il expérimentait déjà un peu avec le fauchage, c’est un Ancien qui va lui transmettre les bons gestes. Et depuis, tout s’est enchainé…

 

ADL : Cette activité tient-elle sa particularité du fait qu’elle se transmet ?

 

PDS : Certainement, en grande partie ! En 2010, après avoir passé quelques années à bien apprendre à faucher, en lisant des livres, et notamment grâce au site web de Peter Vido, un passionné et grand connaisseur de la faux, et en fauchant beaucoup chez moi et pour le SI de Bomal (entretien d’espaces verts), j’ai eu l’idée de faire connaître la faux car je regrettais que son utilisation se soit perdue malgré sa grande efficacité. En effet, on aurait tendance à penser que les outils motorisés sont plus efficaces, et pourtant, ce n’est pas forcément le cas. Ainsi, j’ai découvert combien cet outil était non seulement agréable à utiliser, mais aussi très performant, et j’ai voulu le faire découvrir à d’autres. C’est ainsi qu’en dix ans, j’ai pu initier plusieurs centaines de particuliers, ainsi que des ouvriers communaux et des indépendants qui s’occupent de l’entretien d’espaces verts. Beaucoup de mes clients me contactent simplement parce qu’ils ont vu ou entendu parler de la faux et ils veulent apprendre à s’en servir pour entretenir leur terrain, aussi petit soit-il, même une petite pelouse. La faux remplace magnifiquement bien la débroussailleuse et même la tondeuse, et en plus elle ne fait que le bruit doux et rythmique de son passage dans l’herbe, elle ne dégage que l’odeur de l’herbe fraiche et elle coûte quasi toujours moins cher à l’achat, encore plus lorsqu’on compte le carburant. En plus, on peut se permettre de maintenir l’herbe très courte si on veut, ou d’attendre qu’elle soit haute : tout est possible. Saviez-vous que les pelouses des grands châteaux étaient entretenues autrefois à la faux !

Le Pic Vert | Travail de fauchage, Peter De Schepper

ADL : Et d’où viennent aujourd’hui les faux ?

 

PDS : Je travaille notamment avec des usines réputées, en Italie et en Autriche, qui fabriquent des faux de grande qualité. La fabrication d’une faux est un travail très spécialisé, réalisé en usine depuis des siècles par des maîtres forgerons qui prodiguent un apprentissage de plusieurs années avant d’acquérir le savoir-faire nécessaire. Pour les accessoires et autres outils que je vends, je travaille aussi avec des fabricants européens qui font des outils de qualité avec un bon rapport qualité-prix. Je fabrique moi-même des manches ardennais avec du bois local, mais j’aime aussi ceux originaires des Alpes. 

Le Pic Vert | La faux

ADL : Quelle est la particularité de votre métier ?

 

PDS : L’utilisation de la faux s’apprend et demande un peu d’entraînement, mais c’est tout à fait accessible à tout le monde. Je teste régulièrement différents modèles (il y en a des dizaines !) et ainsi je complète le choix au fur et à mesure lorsque j’en trouve qui me semblent intéressants à proposer, ou en réponse aux demandes des clients. C’est important d’utiliser soi-même et de bien connaître ce qu’on vend, pour bien conseiller. Étant donné que nous sommes peu nombreux à faire ce métier, beaucoup de nos clients, qui habitent loin de la région, voire même en France ou ailleurs, passent commande via notre boutique en ligne ou par mail, et on les aide à choisir le matériel le mieux adapté à leurs besoins et à leur terrain. Même si ça nous demande beaucoup de temps, ça nous tient vraiment à cœur d’offrir un service de qualité, pas de se contenter de juste vendre des articles qui risquent d’être peu utiles pour l’acheteur. Le client va débourser entre 150 et 200 euros pour être bien équipé. Dès lors, je veux qu’il soit pleinement satisfait et qu’il prenne du plaisir à faucher !

 

ADL : Comment expliquez-vous ce succès ?

 

PDS : Depuis 2017, on sent de plus en plus que c’est dans l’air du temps. Beaucoup de personnes sont à la recherche d’un autre mode de vie et la faux est un des symboles d’une vie simple, non dépendante à la machine. Peut-être aussi que vu que son utilisation demande plusieurs heures de formation, cela fait de cet outil une occasion d’échanges humains. C’est une vente qui ne se limite pas à la vente d’un objet, beaucoup de conseils et de questions sont également prodigués.

 

Le Pic Vert | La faux, un des symboles d'une vie simple, non dépendante à la machine

ADL : Comment voyez-vous l’avenir ?

 

 

PDS : Depuis 2015, j’ai quitté mon emploi à mi-temps pour me consacrer entièrement à mes activités, qui étaient jusque là complémentaires. L’intérêt pour la faux ne cesse d’augmenter d’année en année. La progression des ventes représente une hausse annuelle de 20%. Avec mon épouse, Christina, nous sommes de plus en plus sollicités ! La saison de vente est la plus intense vers fin du printemps, début de l’été, et les stages ont lieux de mai à septembre. Cette année, nous prévoyons d’engager une étudiante qui habite dans le village pour nous aider quelques heures par semaine à préparer les colis. C’est gratifiant de pouvoir impliquer d’autres dans cette aventure et de créer un peu d’emploi ! Et avec Christina, nous avons développé une formation, qui démarrera cette année, pour former d’autres formateurs/revendeurs. Nous nous réjouissons que d’autres s’y mettent et contribuent à faire connaître ce bel outil ancestral et à assurer sa pérennité. C’est passionnant !


Peter De Schepper

Rue Bihay 32 | 6941 Heyd

 

086 21 06 31

info@lepicvert.be

www.lepicvert.be



Entretien rédigé par Xavier Lechien, février 2021